PROJET DE PÉTITION AVORTÉE

Publié le 16 Juin 2011

Nous n’avons plus de livres à vendre. Nos rayons de littérature, de culture générale, de livres pratiques, ou de jeunesse, sont quasiment vides ! Les ouvrages universitaires, professionnels ou d’érudition sont rares ou hors de prix pour nos concitoyens.

Ce constat se vérifie partout dans le pays et en toutes saisons. Les salons et foires du livre  sont pompeusement parrainés par des « autorités officielles » qui ignorent superbement les réalités économiques et sociales du pays.

La rue gronde et les émeutes sont souvent attribuées à la cherté de la vie. Mais qui se soucie de la pénurie de livres ? Et si les choses étaient liées ? Les mêmes causes engendrent en tout cas les  mêmes méfaits : l’ignorance est mère de tous les vices mais aussi de violence.

Pourquoi en sommes-nous là ?

1/ Les mesures gouvernementales qui imposent le paiement des importations par crédit documentaire ont asphyxié nos librairies. Les importateurs doivent mobiliser des trésoreries énormes  préalablement à l’importation des marchandises. Donc le client algérien doit financer l’éditeur étranger qui est le seul bénéficiaire de cette procédure.

Or, dans le commerce international du livre,  c’est l’éditeur qui prend le risque de publier puis il sollicite les libraires pour mettre ses livres à la disposition des lecteurs. C’est 60 à 180 jours après les ventes que nous les payons. Et les livres invendus sont retournés et déduits de la facture de vente du fournisseur. Dans notre métier c’est le crédit fournisseur à court terme (payé par remise documentaire ou transfert libre) qui permet aux banques, aux professionnels (importateurs, distributeurs, transitaires, transporteurs, libraires etc.) et aux lecteurs en définitive, de faire fonctionner le marché du livre dans l’intérêt bien compris de tous.

Les directives du gouvernement signifient la mort lente du commerce du livre (y compris les livres produits localement car les intrants qui entrent dans leur fabrication sont importé à 90%).  Pourtant la part du livre dans le volume global de nos importations ne doit pas constituer grand-chose par rapport à celui des berlines de luxe ou des milliards qui s’évaporent dans le commerce dit « informel » et les marchés douteux.

2/ L’essentiel de la consommation en livres scientifiques, techniques ou de littérature générale est importée. Elle n’est pas satisfaite localement car ni la force intellectuelle, ni le niveau de compétence de nos éditeurs ne sont en mesure d’y faire face. Pourtant le gouvernement dit avoir englouti des sommes importantes dans le « soutien » du livre et de l’édition, bien qu’aucun bilan chiffré n’ait été publié.

Quels livres ? Pour quel public ? Au profit de qui ont été généreusement octroyés ces milliards ?

Pour quelles raisons n’avons-nous pas encore de collections universitaires, scientifiques et techniques  dignes de ce nom ? Ni dictionnaires ni encyclopédies ne  décrivent nos langues, nos cultures, nos savoir-faire, nos patrimoines archéologiques et historique, les sciences de la vie et de la terre d’Algérie encore en friche… Ce sont les Français, les Libanais, voire les Saoudiens qui nous fournissent les dictionnaires et manuels destinés à nos enfants ! Et on voudrait qu’ils  soient bien éduqués, bien dans leur peau, fiers de leur terroir et leur histoire. Fadaises !

Un demi-siècle après l’indépendance, est-ce normal ? A qui la faute ? Qui en est responsable ?

A l’indigence de cette « politique du livre » s’ajoutent les interdits, les censures, l’autoritarisme des décideurs qui s’entourent de servilité, d’incompétence, de flagornerie et d’affairisme éhonté.

Nos dirigeants devraient avoir plus de clairvoyance et cesser d’imposer par en haut et sans concertation, des décisions économiques et sociales qui heurtent les besoins des citoyens. Quant au nationalisme de mauvais aloi, souvent invoqué pour masquer des politiques malfaisantes, ils feraient mieux de se remémorer que le patriotisme est bien souvent inversement proportionnel au rang qu’occupe le citoyen dans la hiérarchie sociale. Ce sont les peuples qui font l’histoire. Ce qui se déroule sous nos yeux, en Tunisie, devrait inspirer des révisions salutaires, avant qu’il ne soit trop tard. Pour ceux qui se croient encore grands, s’entend !

Nous voulons des livres et la liberté !

Boussad OUADI

Libraire et éditeur.

19/01/2011

Rédigé par BOUSSAD

Publié dans #EDITER EN ALGERIE

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