Je fais souvent un rêve étrange et pénétrant ..., comme Verlaine. 

Publié le 1 Mai 2019

Je fais souvent un rêve étrange et pénétrant ..., comme Verlaine. 

J’ai fait souvent un rêve étrange et pénétrant comme Verlaine. 
Laissez-moi vous le conter. 
J’ai eu 13 ans à l’indépendance et la chance de vivre les plus belles années de l’Algerie enfin libérée. Tous les rêves nous étaient permis, les bras du monde entier se tendaient vers nous. Nous étions le berceau de toutes les révolutions libératrices. Les plus grands de ce monde se bousculaient pour venir à Alger, pour enseigner, pour inventer, pour montrer les films, les livres, les musiques qu’ils créaient. Et nous avons tout appris de Feraoun et Fanon trop tôt disparus, du Che, de Mao et de l’Oncle Ho, de Godard, Visconti ou Chahine, de Balibar, Bourdieu, Berque et JP Sartre. Nos grands frères s’appelaient Kateb Yacine, Bachir Hadj-Ali, Mouloud Mammeri, Mohamed Dib, Jean Senac, Denis Martinez, Issiakhem, Baya, Khada ou Mourad Bourboune. Rouiched, Bachetarzi, Seloua, Slimane Azem, El Anka, Blaoui et Fergani enchantaient nos soirées. Nous tutoyions la littérature, la philo, les sciences et les arts avec gourmandise et aisance. Le monde nous appartenait et partout fièrement, nous exhibions nos passeports algériens. Nous étions accueillis en frères, en héros parfois, tant l’Algerie faisait rêver. Dans nos bagages Djamila, Hassiba, Didouche, Amirouche étaient comme des hrouz porte-bonheur. 
Nous avons mangé notre pain blanc, persuadés d’un avenir éternellement rose, dont le firmament s’annonçait autour des années 80 et 2000. 
Et puis patatras !
Le brutal réveil, durant la noire décennie, nous plongea dans le désarroi et la sidération. Le paradis devenait cauchemar et la lente descente aux enfers se poursuivit avec les 20 ans de régression morale et politique, quand bien même le quotidien des algériens se fut amélioré, par la grâce de ce don du ciel qu’est le pétrole dont on ne sait s’il faut le louer ou le maudire. 30 ans de dictature molle, de consommation effrénée et de gâchis de tout ce que nous comptions de plus précieux : nif, redjla, lharma, lkarama, lkhadma ou lefhama. Bouteflika nous a tout pris, il nous a légué la corruption, les caisses vides de l’état, des institutions gangrenées par le vol, le mensonge et la rapine. A tel point que ni leader, ni parti, ni autorité morale n’arrive à émerger pour réconcilier les algériens pourtant redevenus khawas par la grâce d’un jour béni, le 22 eme du mois de février de l’an 19 du 3ème millénaire comme l’aurait déclamé notre cher El’Anka. 
Et depuis lors, les rêves ont repris, les espoirs les plus fous nous habitent. La politique a repris ses droits et chaque vendredire élabore ses programmes de de rééducation civique de citoyens tant attachés à leur pays, à ses symboles, ses cultures, sa mémoire historique. Cette merveilleuse jeunesse vient de subir 2 mois de formation politique accélérée qu’aucune Université n’aurait pu concevoir. Toute pétrie de Silmya, de patience et de détermination, elle va réaliser le rêve inouï de ses grands-parents naguère colonisés et parachever le projet brisé de ses parents qui se frottent les yeux pour se convaincre que tout ça est bien vrai. 
Merci Verlaine, merci chers enfants, notre pays tel le fleuve détourné, retrouve son lit naturel.

Rédigé par Boussad OUADI

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