Belhimeur, démocrates, nationalistes et islamistes, le marigot politicien

Publié le 21 Décembre 2019

M. Amar Belhimeur[1], journaliste, professeur d’économie et de droit et brillant chroniqueur dans plusieurs journaux est un homme de science indéniablement. Il fut une époque où, se mêlant de philosophie et de littérature, il traitait de façon pédagogique, subtile et agréable à lire, les œuvres de grands penseurs du 18-19ème siècle dont on dit qu’ils ont ouvert le siècle des lumières en Europe. Montesquieu, Beaumarchais, Rousseau ou Voltaire n’avaient aucun secret pour lui et il savait nous faire partager la pensée de cette période de l’histoire durant laquelle les peuples passaient du moyen-âge monarchique et clérical aux temps modernes des républiques, des libertés et de la démocratie. Puis vinrent les années noires et Belhimeur retourna à ses chères études, tout en nous gratifiant par-ci par-là, de notes de lectures sur les derniers ouvrages ou articles à la une de l’actualité économique ou géopolitique mondiale.

Il m’est arrivé aussi de le croiser parfois et trop souvent à mon goût, dans des officines peu recommandables, antichambres de la boite noire du système et de l’État profond comme disent certains, de la 3issaba, terme devenu populaire aujourd’hui, par la grâce du grand maîtres des horloges d’Algérie, le chef d’État-Major Ahmed Gaïd Salah. Ceci brouillait un peu l’estime que je lui portais, mais me disais-je, il faut bien vivre et chacun y parvient comme il le peut.

J’ai le souvenir de M. Amar Belhimeur dans les luttes de terrain pour la liberté de la presse lorsqu’il fut l’un des pionniers de la lutte pour une presse libre. Au lendemain d’octobre 1988 il cofonda le Mouvement des Journalistes Algériens (MJA en 1988), et dans la mouvance des hamrouchiens qui ont vainement tenté d’arracher les rênes du pouvoir aux décideurs casqués et éradicateurs du régime, il participa de façon non négligeable à ébranler le système de la pensée unique pour lui substituer le pluralisme dans la presse et dans la vie sociale et politique. Avec un MJA dirigé par Amar Belhimeur et des plumes de talent comme celles de Abdou B, Kheiredine Ameyar, Bachir Rezzoug, Mouny Berrah, Abdelkrim Djaad,  Abdelhamid Benzine et certains autres, nous rêvions d’un monde dé-momifié et d’une presse enfin libérée.

Si je ne me trompe il collabora aussi au journal « La Nation » réputé proche de Hamrouche et Aït Ahmed.

Qu’elle ne fut ma stupéfaction lorsqu’il réapparut à la une de l’actualité, dans cette entourloupe de dialogue antichambre de la mascarade électorale que nous venons de subir, aux côtés d’un autre symbole de l’Algérie intelligente, rebelle et talentueuse, Slimane Benaïssa, auteur de l’inoubliable « Babor ghraq ».

Triste Titanic pour eux, mais je me consolais à l’idée qu’il nous restait encore bien des figures de proue du monde des arts et du savoir, qui n’ont pas mordu à l’hameçon.

Nouvelle bourde de ma part, c’est du haut d’un  promontoire auquel il s’accroche avec assurance, qu’il nous revient dans une émission de radio d’une heure pour déverser des montagnes de contrevérités, d’approximations douteuses et d’injonction péremptoires dignes d’un nouveau Brutus, renouvelant ses serments de fidélité douteuses au nouveau César d’Algérie.

N’étant pas spécialiste de droit ou d’économie comme lui, je me suis aventuré à réécouter les rares passages sur lesquels n’importe quel citoyen doué de bon sens pourrait rétorquer : « Vous vous fourrez le doigt dans l’œil jusqu’au coude M. le Professeur !  Je crois savoir que… »

Et voilà ce qu’il affirme et les arguments que je me permets en toute modestie de lui opposer.

 

Amar Belhimeur affirme que 3 courants dominent la vie politique : les nationalistes et les islamistes, auxquels il attribue une prédominance évidente dans l’opinion publique algérienne et une tendance « minoritaire qui se prétend démocrate », dit-il.

Est-ce à dire que le nationaliste ou l’islamiste n’est pas « démocrate » ?

Nationalisme sans démocratie = fascisme

Islamisme sans démocratie = intégrisme et théocratie

La démocratie n’est pas une idéologie politique. Elle signifie simplement que la souveraineté doit appartenir à l'ensemble des citoyens. Elle suppose une organisation politique de la société dans laquelle les citoyens exercent cette souveraineté.

Grave confusion et dérive intellectuelle fâcheuse, pour le preux chevalier de la respiration démocratique post 1988, après les dures années de plomb du parti unique.

Ignore-t-il, M. l’éminent professeur, les rôles respectifs de ces courants et idéologiques qui n’ont jamais cessé d’irriguer le corps social de ce pays :

  1. Le courant culturaliste qui, prenant en considération la dimension berbère : identité, culture et langue a refusé la réduction de la nation algérienne à sa seule dimension arabo-islamique populiste et panarabiste, lui préférant le pluralisme, la démocratie et les libertés. 1949-2019, il a fallu 70 ans pour que la rue algérienne proclame la fin de l’ostracisme anti-kabyle, le refus de la division et l’union patriotique cimentée par le sang versé pour la renaissance d’une Algérie pluraliste et fraternelle : « Kbayli-3arbi Khawa Khawa ».  Si elle n’a pas vocation à se constituer en mouvement politique, car il serait dangereux que des partis se déchirent sur des bases ethniques, régionales ou religieuses, la sensibilité amazigh est de nature a fouetter la classe politique, toutes tendance confondues pour admettre enfin cet état de fait : notre société est diverse et multiple. La liberté, le pluralisme et la démocratie, donc le respect des minorités, sont des règles d’or pour la solution de tous nos conflits.
     
  2. Les partisans d'une organisation de la société qui entend faire prévaloir l'intérêt et le bien général sur les intérêts particuliers, opposés au libéralisme, qu’ils soient socialistes, communistes, anarchistes ou libertaires sont les héritiers des plus anciennes traditions de lutte contre la hogra, l’occupation, pour le partage, voire l’égalitarisme propre aux communautés rurales de nos montagnes et du Tell.
    M. Belhimeur raye tout un pan de notre histoire sociale et politique. Pour mieux plaire aux chantres de la pâle Novembria-Badissya, nouvel avatar des barbes-FLN de l’infitah chadliste ?

     
  3. Et les libéraux, les bourgeois, les défenseurs du privé, les adeptes du néo-libéralisme et de l’ultra libéralisme, ces oligarques qui ont tété la mamelle du trésor public jusqu’à n’en plus pouvoir ? Les enfants adultérins de cette république bouteflikienne que vous avez conseillé et servi sans trop rechigner, vous les mettez sous le tapis ? Leur clientèle se compte par centaines de milliers de citoyens embourbés dans l’informel, soumis aux diktats de l’argent sale, commerçants à la sauvette, employés non déclarés et sous-payés, bazaristes de Dubaï, Istanbul ou Taïwan. Leur influence politique restera considérable, tant que ce régime illégitime ne possède comme boussole que le prix du baril et ses dirigeants serviles à El Mouradia, manipulés en sous-main par les roitelets d’Arabie.
    Sans parler de nos bobos « IDE-Start-up-mondialisation » dont le cœur palpite à chaque frémissement du Dow-Jones ou du CAC 40, les yeux rivés sur les écrans de BFM-TV Business, qui sont tout autant citoyens, en droit de faire valoir leur droit à l’expression politique, dans la transparence et le respect des choix économiques qu’auront édictés des institutions élues démocratiquement.

     
  4. Nous voilà au moins à 5 grands courants politiques permanents de notre histoire, auxquels s’ajouteront nécessairement des écologistes, des féministes, des autonomistes etc., comme dans tous les pays aujourd’hui

Une autre série d’arguments sont convoqués par Belhimeur pour justifier la caporalisation actuelle de la société civile privée de liberté d’expression, de conscience, d’action politique puisque TV-journaux-radios et raisons sociaux sont muselés ou bridés, la justice aux ordres et les prisons bondés de citoyens innocents injustement incarcérés pour avoir déplu aux oukases des généraux.

  1. la disqualification des partis politiques par les jeunes, alors qu’il est bien placé pour savoir l’immense responsabilité du DRS qui a fait, défait et instrumentalisé à loisir la vie organique des partis et associations, géré les carrières des hommes politiques qui au départ n’aspiraient légitimement qu’à servir leurs causes ou leurs convictions.
     
  2. la crise aiguë des modes de régulation politique et sociale qui est, elle aussi le résultat de la corruption financière et morale afin de garantir la paix sociale à tout prix et brider toute vie politique saine faite de contradictions et de luttes arbitrées par le suffrage universel et l’expression libre des citoyens.
     
  3. les alliances entre les courants politiques.

Rédigé par Boussad OUADI

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