POUR UNE HISTOIRE CITOYENNE. Projet de pétition mai 2010
Publié le 17 Octobre 2017
POUR UNE HISTOIRE CITOYENNE
La publication du livre de Saïd Sadi a soulevé une polémique sans précédent mettant à nu un grand nombre de préjugés et de non-dits de l’histoire politique de l’Algérie. Ceux qui désignent la Kabylie et les hommes politiques de la région comme des fauteurs de troubles menaçant la stabilité et l'unité du pays sont les mêmes qui ont interdit, en 1980 à Mouloud Mammeri de donner à Tizi-Ouzou une conférence sur les poèmes kabyles anciens, invoquant un complot ourdi par la main de l’étranger. L’Histoire a montré depuis, que la Kabylie, loin de constituer une menace pour l’unité de la nation, est au contraire à la pointe du combat démocratique et de la renaissance culturelle.
La nation algérienne a été fondée par le génie, le sang et les larmes de tous ses enfants. Du reste, les ossements de notre plus vieil ancêtre, « l’homme de Ain El Hanech (Sétif) datent de 1 700 000 ans. Nous ne sommes venus ni de l’Est, ni de l’Ouest, ni du Sud, même si notre sang s’est nécessairement mêlé à celui de tous ces migrants que la Méditerranée et le Sahara ont généreusement brassés.
C’est la chance de l’Algérie de bénéficier de cette diversité. Il faut une grande cécité politique et autant d’ignorance pour vouloir imposer le dogme de l’unicité politique ou idéologique qui nous ghettoïse et nous voue à un déclin inéluctable.
L’Algérie appartient à tous ses enfants et les flots de sang qui l’ont arrosée durant le 19e et le 20e siècles ont définitivement cimenté le socle national.
Le temps de la pensée unique est révolu. Le peuple algérien a conquis par le sang versé le droit de prendre librement en charge son destin, dans le pluralisme et la démocratie.
L’évocation dans le livre de Saïd Sadi, de la vie d’Amirouche et la séquestration de sa dépouille et de celle de Haouès par le gouvernement de Boumediene est l’occasion pour nous, citoyens signataires de ce texte, originaires de toutes les régions d’Algérie, de toutes conditions sociales, respectueux du pluralisme des opinions de chacun, de déclarer notre adhésion aux principes suivants :
1. C’est le droit et le devoir de Saïd Sadi, comme de tout Algérien d’agir pour la manifestation de la vérité historique sur tous les événements dont il a connaissance. C’est par des approches plurielles et contradictoires que l’histoire s’écrit.
2. Il n'appartient ni à un clan, ni à une institution, ni même à l'État de dicter la vérité historique. A ce dernier, il est fait obligation d’ouvrir les archives nationales aux chercheurs, aux médias et à tout citoyen qui le désire pour qu'enfin les Algériens se réapproprient leur bien commun, l’histoire de leurs parents, de leurs régions et de leur pays.
3. Nous en appelons à la sagesse et au patriotisme des acteurs encore vivants du combat de la libération nationale pour libérer leur conscience dans le respect des serments de novembre et de la Soummam, et du sacrifice glorieux de nos aînés. Les faux moudjahidine, les fausses attestations communales, les faux témoignages tout comme les fortunes et les rentes constituées sur le sacrifice des chouhada ont sali la mémoire de notre peuple. Ces errements ont conduit au népotisme et à la misère sociale, à l’injustice, à la régression culturelle et à la perte des valeurs morales qui ont préservé notre pays de la déchéance durant tant de siècles de domination.
4. Forts de notre conviction indéfectible dans le destin national algérien, nous proclamons notre foi :
- en l’unité fraternelle du peuple sur chaque pouce du territoire national et rejetons toute idéologie raciste, régionaliste qui marginalise ou stigmatise une quelconque fraction de notre peuple ;
- en l’instauration d’un État libre, démocratique et social proclamé le 1er Novembre 1954 et le 20 août 1956 au Congrès de la Soummam ;
- en la nécessité pour toutes les familles de pensées philosophiques et politiques de renouer les fils du dialogue entre elles afin de redonner espoir à une jeunesse qui possède un drapeau mais pas encore d’avenir.
Texte proposé par Boussad Ouadi
Alger, mai 2010.