Après la publication de « Amirouche, une vie, deux morts et un testament » de Said Sadi

Publié le 13 Juin 2011


La publication du livre de Said Sadi a soulevé une polémique sans précédent mettant à nu un grand nombre de préjugés et de non-dits de l’histoire politique de l’Algérie  depuis près d’un siècle maintenant.  De dangereux pyromanes désignent la Kabylie et les hommes politiques de la région comme des fauteurs de troubles menaçant la stabilité et l’unité du pays. En 1980, les mêmes ont interdit à Mouloud Mammeri de donner à Tizi-Ouzou une conférence sur les poèmes kabyles anciens, invoquant un complot ourdi par la main de l’étranger. L’histoire a montré depui, d’où et par qui sont fomentés les complots qui entravent la renaissance culturelle et démocratique de notre pays.

Ils disent que les kabyles sont hégémoniques et menacent le pays d’une dangereuse dictature. Les moins prévenus se laissent convaincre que les kabyles s’aiment trop entre eux ! Ils menacent les autres ! Les tlemcéniens, les mozabites, les constantinois s’aimeraient moins entre eux ? Y-a-t-il une honte quelconque à aimer et être fier de sa terre, de sa ville, de sa région, de son pays ? Ces sentiments sont-ils nécessairement exclusifs les uns des autres ?

L’histoire d’Algérie a été fondée par le génie, le sang et les larmes de toutes ses composantes ethniques et régionales depuis des millénaires. Les ossements de notre plus vieil ancêtre, « l’homme de Mechta El Arbi » datent de 1 700 000 ans. Nous ne sommes venus ni de l’Est, ni de l’Ouest, ni du Sud, même si notre sang s’est nécessairement mêlé à celui de tous ces migrants que la Méditerranée et le Sahara ont généreusement brassés.

Comme dans les doigts de la main, la Kabylie est inscrite comme sa 3ème wilaya, géographiquement et historiquement. Elle a donné des pionniers au mouvement de libération national, elle a subi les pires entreprises criminelles du système colonial, le sabre et le goupillon, la bleuïte et le déluge de feu des opérations jumelles et pierres précieuses.

Du reste que serait l’Algérie sans ses régions berbérophones de Kabylie, du Mzab, des Aurès, des Touaregs ou des Beni Snous ? Y a-t-il territoire plus algérien que ces petits bouts de planète Terre ? Et  il est tout aussi vrai que notre pays s’est constitué aussi de ses sédiments levantins,  hilaliens, andalous, ottomans que l’histoire a déposé sur notre sol.

C’est la chance de l’Algérie de bénéficier de cette diversité. Il faut la cécité politique et l’ignorance de l’histoire pour vouloir imposer le dogme de l’unitarisme politique, ethnique ou religieux qui nous ghettoïsent et nous vouent à un déclin inéluctable.

L’Algérie appartient à tous ses enfants et les flots de sang qui l’ont arrosé durant ce dernier siècle ont définitivement cimenté le socle national. Est-ce un hasard de l’histoire qu’un certain match Algérie-Egypte fasse découvrir aux algériens  leur parenté avec le  Pharaon Shéshonq 1er et les libère des complexes de soumission à l’arabisme étroit qu’on tente de leur imposer depuis tant d’années ?

Le berbérisme et le prétendu régionalisme kabyle qui menacent l’unité de l’Algérie est un subterfuge forgé par le système du parti unique qui a trompé l’opinion jusqu’à ce que la constitution entérine cette conquête démocratique essentielle : la reconnaissance de l’identité berbère de notre peuple et son droit à la réappropriation de ses langues et de ses cultures autochtones. 

Il est temps pour le système de pensée unique de passer la main définitivement pour laisser le peuple prendre en charge son destin librement, dans le pluralisme et la démocratie.

L’évocation de la vie d’Amirouche et la séquestration de sa dépouille et de celle de Si Haouès par le gouvernement de Boumediene dans le livre de Saïd Sadi est l’occasion pour nous, citoyens algériens signataires de ce texte, originaires de toutes les régions d’Algérie, de toutes conditions sociales, respectueux du pluralisme des opinions de chacun, de déclarer notre adhésion aux principes suivants :

  1. C’est le droit et le devoir de Saïd Sadi, comme de tout algérien d’agir pour la manifestation de la vérité historique sur tous les événements dont il a connaissance. C’est par des approches plurielles et contradictoires que l’histoire s’écrit, le droit à l’erreur étant compensé par la liberté de réponse et d’interprétation de chacun.
  2. Il n’appartient ni à l’Etat, ni aux institutions officielles de dicter la vérité historique. Il leur est fait obligation d’ouvrir les archives nationales et de permettre la liberté dans tous les médias publics pour que les citoyens s’approprient leur bien commun, l’histoire de leurs parents, de leurs régions, de leur pays.
  3. Nous en appelons à la sagesse des acteurs encore vivants du combat de libération nationale pour libérer leurs consciences et respecter les serments de novembre et de la Soummam. Les faux moudjahidine, les fausses attestations communales, les faux témoignages tout comme les fortunes et les rentes constituées sur le sacrifice des chouhada ont sali la mémoire collective de notre peuple.  Ces errements ont conduit au népotisme, à l’injustice,  à la régression culturelle et à la perte des valeurs morales qui ont préservé ce pays de la déchéance durant tant de siècles de domination.
  4. Nous proclamons notre crédo
    -  en l’unité fraternelle du peuple algérien sur chaque pouce du territoire national  et rejetons toute idéologie raciste et régionaliste qui marginalise une quelconque fraction de notre peuple
    -  en l’instauration d’un Etat libre, démocratique et social tel que proclamé par le congrès de la Soummam il y a 56 ans
    -  en la nécessité pour toutes les familles de pensées philosophiques et politiques de renouer les fils du dialogue entre elles et redonner espoir à une jeunesse qui possède un drapeau mais pas encore d’avenir.

Texte soumis aux premiers signataires en mai 2010 : 

Rédigé par BOUSSAD

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